Le 7 septembre dernier, l'équipe Qualité de la HERS organisait une journée d'étude centrée sur la motivation. Peut-on influer sur la motivation du personnel et des étudiants ? Telle est la question que Luc Canautte et les coordinateurs Qualité ont posée à Jean-Michel Longneaux, Marianne Poumay et Alexis Willems. Retour sur une journée marquante, rehaussée par la présence de Sondron, caricaturiste renommé.
En prise directe avec le management et la stratégie de l'institution, le coordonnateur Qualité a pour mission d'établir des repères et des jalons. Toute l'équipe Qualité œuvre sans relâche à améliorer non seulement la qualité de l'enseignement, mais aussi celle du travail de chacun. Et si la tâche et les responsabilités sont immenses, le pouvoir de la Qualité est... tout relatif. C'est un pouvoir consultatif, qui consiste à indiquer la bonne direction, et à élargir nos horizons.
C'est dire si Luc Canautte s'est naturellement posé la question de la motivation, nécessaire pour atteindre les objectifs établis pour la HERS. Comment motiver le personnel d'une organisation ? Peut-on seulement le faire ? Quels résultats ont donné tous ces courants de coaching au travail ? Existe-t-il des bonnes pratiques ?
Toutes ces questions, Luc Canautte et son équipe les ont posées à des personnalités au profil tantôt proche, tantôt différent. Pour garder le sourire et poser un regard détaché sur les débats, l'équipe Qualité a pu compter sur les caricatures de Sondron.
La motivation se commande-t-elle ?
Docteur en Philosophie, Professeur à l'Université de Namur et auteur de plusieurs livres, Jean-Michel Longneaux nous a donné le premier son point de vue... de philosophe. Point de départ de son intervention, une question : « la motivation se commande-t-elle ? »
La motivation est un sujet à la mode dans le monde du travail. Aujourd'hui, il n'est pas rare de croiser un Happiness manager ou un Organisateur du bonheur au sein des entreprises. C'est tout un courant de psychologie positive qui est réquisitionné pour aider les gens à avoir une approche positive de leur travail. Mais, interroge Jean-Michel Longneaux, le problème n'est-il pas d'emblée mal posé ?
Ces approches de la motivation n'ont-elles pas pour finalité d'améliorer la productivité au travail, ou à tout le moins d'améliorer l'image d'une institution ? Finalement, la motivation n'est-elle tout simplement pas instrumentalisée pour atteindre un objectif extérieur aux motivations de l'employé ?
Quand on interroge les médecins du travail, c'est précisément cette logique qui est une des causes majeures de la démotivation du personnel. On se retrouve dans une situation paradoxale, où l'approche de la motivation est soumise à cette logique de la performance, qui est elle-même la cause de la démotivation. Nous générons un cercle vicieux, même si les intentions de départ sont tout à fait positives. Les employés sont dépossédés de leurs motivations pour satisfaire à une logique qui leur est totalement étrangère.
Pour Jean-Michel Longneaux, cette logique est d'autant plus absurde quand on interroge les travailleurs ou les étudiants sur leurs motivations réelles, qui s'avèrent sont complètement étrangères à l'entreprise ou à l'institution.
Prenons le cas d'une école. Pour certains, enseigner est une vocation. Ce n'est pas le cas pour tout le monde, évidemment. Certains peuvent être motivés par les congés, par la proximité ou par le salaire. Pourquoi travailler ici, pourquoi rester ici ? Les réponses varient. Mais quelles que soient les réponses, ces motivations sont extérieures à l'employeur. À l'image du bonheur, la motivation est un état d'être qui ne peut être imposé. On l'a ou on ne l'a pas, et l'employeur ne peut pas y faire grand-chose. Et pour Jean-Michel Longneaux, si on ne l'a pas, seul le sentiment du devoir peut nous pousser à faire notre travail malgré tout...
Au terme d'un raisonnement construit et documenté, Jean-Michel Longneaux pose un constat implacable. Tous les mécanismes mis en place pour tenter d'améliorer la motivation ne touchent pas les motivations réelles du personnel. Il appartient certes à chacun de se demander s'il est à sa place dans telle fonction ou dans telle organisation. Mais pour ce qui est de l'employeur, le philosophe pose une question qui n'a pas manqué de mettre les orateurs suivants dans l'embarras. Plutôt que de vouloir motiver le personnel, n'y a-t-il pas lieu plutôt de se demander comment ne pas le démotiver ?
Les causes de la démotivation
Jean-Michel Longneaux enfonce le clou : quand on lit les spécialistes des questions de motivation, on sait ce qui démotive les travailleurs. En premier, quand on vient imposer à des travailleurs des finalités qui sont extérieures à leur travail. Dans un hôpital, par exemple, où des gens formés pour soigner doivent se préoccuper de faire faire des économies à leur institution, et contribuer à atteindre des objectifs financiers. Ou dans une école, où les enseignants doivent regrouper des étudiants dans des auditoires plus grands pour ne plus engager autant de personnes.
Une autre cause de démotivation est l'intrusion des spécialistes, qui vous disent comment vous devez faire votre métier alors que vous êtes les professionnels de votre métier. Les évaluations aussi figurent parmi les causes de démotivation majeures. Et puis il y a l'individualisation de la responsabilité. Si on a des problèmes ou si tel projet échoue, « c'est parce que vous avez mal travaillé ! »
Parfois c'est vrai, mais dans certains cas, on ne voit pas que c'est la collectivité qui est responsable. Et on envoie une victime expiatoire au bûcher...
Rattrapé par des contraintes de temps de parole, Jean-Michel Longneaux conclut : l'institution ne peut se borner qu'à réduire les causes de démotivation des employés et des étudiants, puisque leurs motivations sont totalement extérieures à l'organisation.
Motiver les étudiants ?
Professeur à l'Université de Liège et Directrice du LabSET, Marianne Poumay le souligne fort à propos : pas facile de passer après une telle plaidoirie ! Sa présentation intitulée La motivation des étudiants et des enseignants, une dynamique vertueuse ? débute pourtant sur constat similaire. Des études montrent en effet que le niveau de motivation des étudiants baisse au fur et à mesure de leur progression dans leur cycle d'études. Plus ceux-ci réussissent, moins ils éprouvent de plaisir dans leurs études.
Mais il y a des solutions, et l'enseignant y joue un rôle de premier plan. L'étude menée par Viaud en 2006 montre comment un professeur peut améliorer la motivation chez ses étudiants. Tout d'abord en concevant des supports de cours cohérents et porteurs de sens. Il doit aussi veiller à favoriser l'apprentissage de chaque étudiant, enseigner de façon active et susciter l'engagement de chacun. Informer les étudiants sur leurs progrès est aussi un atout quand il s'agit de donner du sens aux études.
Car il s'agit bien de cela pour l'enseignant : donner du sens aux études. Son rôle est de favoriser chez les étudiants la perception de la valeur des tâches et de leurs efforts. C'est aussi à lui qu'incombe la responsabilité de donner à l'étudiant le sentiment de maîtrise et de contrôle des compétences requises.
Parmi les nombreux points susceptibles de renforcer la motivation des étudiants, Marianne Poumay souligne l'importance d'avoir des contenus pédagogiques utiles et concrets, en phase avec le futur métier. Une préparation rassurante et efficace aux évaluations est tout aussi cruciale, et nécessite une structuration forte du cours écrit et un encadrement proche des étudiants.
Mais s'il est important pour l'enseignant de motiver les étudiants, qui s'occupe de l'enseignant ?
Accompagner les enseignants
Condition sine qua non pour être motivés, les enseignants doivent bénéficier d'une formation adaptée. Ils doivent aussi percevoir le sens et l’intérêt de la réforme de l'enseignement. Et c'est à l'institution de mettre en place les dispositifs qui permettent de mieux la comprendre. Elle doit particulièrement veiller à ce que les enseignants gardent la main sur le programme, pour qu'ils conservent ce sentiment de contrôle sur leur propre métier.
L'accompagnement des nouveaux enseignants est aussi un point auquel il faut accorder de l'attention. Quel que soit leur niveau, les enseignants doivent pouvoir se sentir soutenus par le groupe et être accompagnés de façon à renforcer leurs compétences.
Le point de vue des entreprises
Pour succéder aux deux premiers orateurs issus de l'enseignement, l'équipe Qualité de la HERS a tenu à donner la parole au monde de l'entreprise. Directeur de l'asbl BBest, dont la mission est de promouvoir l'excellence en FWB, Alexis Willems a présenté sa vision du management et de la motivation du personnel.
Une vision qui correspond singulièrement à ce que dénonçait un peu plus tôt Jean-Michel Longneaux, ce qui n'a pas manqué d'alimenter le débat qui a suivi les trois interventions.
Des ateliers pour partager les bonnes pratiques
L'après-midi a été consacré à des ateliers concrets, où les participants ont pu mettre en commun leurs expériences positives et les écueils à éviter quand il s'agit de favoriser l'engagement des membres du personnel ou des étudiants.
Parmi ceux-ci, l'atelier sur le Centre de simulation de la HERS n'a pas manqué d'attirer l'attention, tant la motivation de tous les membres du projet était palpable.
Au terme de cette deuxième édition de la Journée Qualité, Luc Canautte et son équipe sont enchantés par l'engagement des participants. Et les idées pour les prochaines éditions se pressent déjà au portillon...
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